La LDH présente son rapport sur la répression judiciaire des Gilets Jaunes

Si l’humanité échoue à concilier la justice et la liberté, alors elle échoue à tout.

C’est par cette sentence inspirée d’Albert Camus que Jean-Jacques Gandini, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme de Montpellier, introduisait la conférence de presse qui se tenait ce jeudi 20 juin 2019 devant la Préfecture de l’Hérault. C’est afin de leur présenter son dernier rapport sur la répression judiciaire du mouvement des Gilets Jaunes, que la LDH avait ce matin convié des journalistes et des militants.

Des directives à l’adresse du parquet

L’étude présentée, qui s’appuie sur des audiences ayant eu lieu du 29 décembre 2018 au 18 mars 2019, s’attèle à décrire les conditions dans lesquelles la justice à Montpellier a pu traiter les nombreux cas de Gilets Jaunes interpelés lors des manifestations urbaines. La LDH rappelle qu’une circulaire émise par la Chancellerie le 22 novembre 2018, soit moins d’une semaine après le premier acte du mouvement, recommande à tous les procureurs de la République (représentant l’État dans la conduite de l’action pénale) de “maintenir une organisation spécifique en prévoyant une permanence dédiée au traitement des infractions commises en marge du mouvement de contestation, dit “gilets jaunes” en se référant à une précédente circulaire relative aux violences ayant émaillé les manifestations contre la loi Travail en 2016. Celle-ci préconisait une “réactivité” dans la conduite de l’action publique, avec une “réponse pénale systématique et rapide“.

La LDH relève l’utilisation privilégiée de la comparution immédiate, une procédure en forte augmentation depuis le début des années 2000. “Ce type de procès dure en moyenne une demi heure, et 70% des peines prononcées sont des peines de prison au moins en partie ferme, soit 8 fois plus que pour les audiences classiques.” Le rapport revient aussi sur l’article 222.14.2 du Code Pénal, dont l’usage immodéré concerne 63% des procédures à Montpellier, et se fait le “symbole d’une justice prédictive“.

Dissuader les Gilets Jaunes de manifester

En d’autres termes, cette infraction définit “le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de dégradations de biens” et punit possiblement le contrevenant à une peine d’un an d’emprisonnement et de 15000€ d’amende. On peut donc juger un manifestant sur sa simple présence en manifestation dès lors que des violences et/ou dégradations ont été ou sont sur le point d’être commises, alors même qu’il n’y a pas directement participé.

La LDH relève l’usage systématique, dans les réquisitions du Parquet, de peines complémentaires visant à interdire de manifester (jusqu’à trois ans) ou de séjourner dans la ville (jusqu’à cinq ans) les personnes condamnées. “Cette interdiction reflète clairement la volonté d’impressionner les prévenus afin de les dissuader de manifester pour le restant de leurs jours…”

On peut aussi constater que le profil des gilets jaunes passés dans les tribunaux tranche avec une certaine image propagée dans les massmedia. “Dans la très grande majorité des cas, les personnes condamnées ont un casier judiciaire vierge et nombreux disposent d’un emploi.” Pour autant, les peines de prison, notamment avec sursis, ont été très nombreuses et indistinctement appliquées.

Vous pouvez retrouver l’intégralité du rapport ci-dessous :







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